Le travail part de la page, mais c'est dans la succession des pages et leurs liaisons qu'il prend corps.
Le geste fait naître la forme. La forme est comme un motif. Un motif que je répète. Je maintiens mon tempo, le réajuste, le bouscule; les émotions parfois me le font perdre et la main en trouve un autre; inlassablement, je travaille dans une continuité où rien n'est retouché mais où chaque empreinte par toucher se fait dans un triple contact avec la matière, avec la chair, avec la disparition; je répète l'invention d'une mémoire, le même est différent; je répète, point par point, je suis tellement proche que je ne vois pas; malgré les irrégularités, les petits accidents (maladresses dues aux petites défaillances physiques), je répète, sillonnant le support de gauche à droite puis de droite à gauche, un cheminement en boustrophédon, cette écriture primitive, à la manière des sillons d'un champ, ininterrompu, comme le tissage d'un tapis, le tapis d'Orient inséparable du geste de ma maman. La répétition devenue rythme par ma respiration, je m'efforce d'aller jusqu'au bout...
A Quartiers Latins, j'ai choisi de montrer des livres en lien avec le tapis et mon histoire arménienne.
Aïda Kazarian